Pourquoi devrions-nous tous découvrir ou redécouvrir le chef d’œuvre de Schlink ?
- L'équipe JurisCulture
- 9 sept. 2018
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 sept. 2018

Il y a quelques jours je tournais la dernière page d’un merveilleux roman, incroyablement touchant : Le liseur de Bernhard Schlink. L’histoire d’une rencontre dans l’Allemagne d’après-guerre, entre Michael Berg, un jeune homme de quinze ans et Hanna, une mystérieuse femme, de deux fois son ainée. Ils sont des amants passionnés. Il lui fait la lecture à voix haute. Un jour, elle disparaît. Sept ans plus tard ils se retrouvent. Il est étudiant en droit, elle est accusée de crimes de guerres. Trompée par ses coaccusées et refusant de se défendre, elle est condamnée à la détention à perpétuité. Michael comprend enfin l’indicible secret de cette femme qui, sans l’innocenter, éclaire son toute histoire.
Vous avez probablement entendu parler du Liseur, vu l’adaptation cinématographique ou lu le livre. Si je puis me permettre, lisez-le, et lisez-le encore. Vous y découvrirez une riche et fascinante analyse de la criminalité, l’incrimination et la « banalité du mal [1] ».
“Moralement dévastant” écrivait le Los Angeles Times. J’ajouterais mémorable et intelligent. C’est un vrai coup de maître qu’est parvenu à accomplir Schlink avec ce court roman, liant droit, morale, érotisme et Histoire pour mieux aborder la question du nazisme et son traitement juridique. Une profonde réflexion sur la justice et la culpabilité.
[1] Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal, Hannah Arendt.

- Le point droit -
« On débattait de l’interdiction des condamnations rétroactives. Suffisait-il que le paragraphe motivant la condamnation des gardiens et bourreaux des camps eût figuré dans le code pénal dès l’époque de leurs actes, ou bien fallait-il tenir compte de la façon dont ce paragraphe était alors interprété et appliqué, et du fait que de tels actes n’y ressortissaient justement pas à l’époque ? Qu’est-ce que la légalité ? Ce qui est dans le code, ou ce qui est effectivement pratiqué et observé dans la société ? Ou bien est-ce ce qui, figurant dans le code ou pas, devrait être pratiqué et observé, si tout se passait normalement ? » [2]
La rétroactivité désigne le fait pour un acte juridique d’avoir des conséquences sur le passé.
En droit français, les lois sont par principe non-rétroactives. C’est-à-dire qu’elles ne peuvent réglementer que l’avenir. L’article 2 du Code civil, corollaire de la sécurité juridique, affirme ainsi que « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». L’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme est du citoyen dispose également que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit ». Ce principe possède même une valeur constitutionnelle en matière pénale. On ne saurait en effet reprocher un comportement à un individu qui, à l’époque de sa commission, n’était pas considéré comme une infraction.
Les décisions de justice quant à elles sont toujours rétroactives puisqu’elles viennent trancher un litige né dans le passé. Toutefois, elles le font au nom des règles en vigueur à l’époque.
[2] Le liseur, Bernhard Schlink.
Manon Troin
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