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La liberté d’expression à l’épreuve du rap.

  • Photo du rédacteur: L'équipe JurisCulture
    L'équipe JurisCulture
  • 30 sept. 2018
  • 3 min de lecture

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Qu’il s’agisse de musique rap ou de parodies, il n’est pas rare que les paroles de chansons heurtent ou choquent


Le 26 septembre 2018 le parquet de Paris ouvrait une enquête pour « provocation publique à la commission d’un crime ou d’un délit » après la ré-émergence d’un clip ultra-violent du rappeur Nick Conrad intitulé « Pendez Les Blancs » et dans lequel le chanteur apparait devant un homme blanc pendu en arrière-plan. Si le rappeur assure qu’il voulait « inverser les rôles de l’homme blanc et l’homme noir » les paroles de sa chanson restent équivoquent : « Attrapez-les vite et pendez leurs parents, écartelez-les pour passer le temps, divertir les enfants noirs de tout âge petits et grands »

Ce phénomène n’est cependant pas nouveau.


En effet, pendant toutes les années 90, et le début des années 2000 l’opposition à la police est un cheval de bataille majeur pour le rap français. le Ministère Amer est condamné à diverses amendes pour le titre Sacrifice de Poulets et pour des propos tenus en interview appelant directement au meurtre. Condamnation également pour NTM après avoir joué en live le titre Police et renchérit dans les insultes aux forces de l’ordre.


Plus récemment le rappeur Morsay déclenchait en 2008 une polémique avec sa chanson « J’ai 40 meufs » ou il chantait « J’ai 40 meufs et j’ai toujours la dalle, c’est Morsay j’nique la police municipale » entrainant la colère d’associations de défense des droits des femmes et de syndicats policiers. En 2011 le rappeur Cortex insultait divers personnalités dans termes explicites : Eric Zemmour « l’homosexuel de mes couilles de fils de pute », Marine Le Pen : « la grosse pute qui suce des noirs et des arabes » ou encore Michel Sardou « la petite salope ».


Enfin le 21 septembre 2018, le chanteur Médine annonçait l’annulation de son concert prévu au Bataclan suite à la polémique provoquée par son morceau Don’t Laïk dans lequel le Havrais chantait "crucifions les laïcards comme à Golgotha"



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Ainsi, quelle marge de liberté la jurisprudence accorde-t-elle aux artistes musiciens ?


En droit, l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit que « seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet », à commettre l’une des infractions listée à l’article 24. Le champs de ces infractions est large et englobe les atteintes volontaires à la vie, les agressions sexuelles ou encore provocations à à la haine ou la violence à l’égard de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée etc.


Cependant, force est de constater que la jurisprudence en la matière est plutôt souple et les condamnations rares.


Ainsi, en 2016, la Cour d’Appel de Versailles avait prononcé la relaxe du rappeur Orelsan poursuivi pour « provocation à la violence » contre les femmes suite aux paroles de son album « Perdu d’avance ».


La cour relève que le rap est « par nature un mode d’expression brutal, provocateur, vulgaire, voire violent puisqu’il se veut le reflet d’une génération désabusée et révoltée ». Sanctionner de tels propos « au titre des délits d’injures publiques à raison du sexe ou de la provocation à la violence, à la haine et à la discrimination envers les femmes reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment d’abandon d’une génération en violation du principe de la liberté d’expression », observe la cour en prononçant la relaxe du rappeur.


De façon similaire, la cour d’appel de Versailles avait refusé de condamner, au nom de la liberté d’expression et de la création artistique, les propos dégradants tenus à l’égard des femmes par le rappeur Morsay dans le cadre de ses chansons.


Ainsi, il apparait clairement que la liberté d’expression bénéficie d’un « régime de liberté renforcé ». Les juges intègrent en effet ce courant musical au même titre que le cinéma dans le champ de la création artistique pouvant exprimer la violence ou des termes brutaux. Toutefois, les paroles des textes, prises isolément, si elles sont par nature injurieuses et violentes à l’égard des femmes, doivent être analysées dans leur contexte musical. Par conséquent, interdire ces formes d’expression constituerait une atteinte à la liberté de création et à la liberté d’expression.


Compte tenu de ces éléments, la condamnation du rappeur Nick Conrad sur le fondement de la loi de 1881 apparait donc incertaine, à moins que les juges décident de faire évoluer leur jurisprudence. Réponse le 9 janvier 2019.

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